26 janvier 2015
Philippe Jaffeux : entretien (2)
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Mes textes sont toujours en devenir, ce sont des processus qui sont surtout liés à une pratique systématique du doute. J’hésite sur chaque mot que je m’apprête à écrire ou à prononcer. Alphabet n’invoque pas d’idéaux ou d’essences, il ne se réfère à aucun absolu.
Un esprit léger dirait peut-être, à la lecture des livres de Philippe Jaffeux, qu'il s'agit d'un fou littéraire. Les universitaires ont de ces petits casiers, dans lesquels ils rangent avec soin leurs catégories, leurs concepts et notions, leurs classes...
Moi je dirais que c'est un chercheur d'absolu
"La Recherche de l'Absolu" est un conte de Balzac
"...et moi, pressé de trouver le lieu et la formule..." ( Arthur Rimbaud, Vagabonds, dans les Illuminations)
"Un coup de dés jamais n'abolira le hasard" (Mallarmé)
Un chercheur d'Absolu... mais d'un genre un peu particulier. On dirait presque un faiseur d'absolu, ce qu'il cherche n'existant probablement pas - mais... qui sait ? - Alors, il le crée ! Démiurge, faiseur de monde... On est peut-être aux portes du Paradis perdu, ou de la Jérusalem céleste .
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J’essaie d’avoir une relation immédiate, instinctive, pulsionnelle avec des mots qui s’assemblent entre eux grâce au hasard et au chaos, qui est l’unique loi de mon écriture. Les phrases ainsi formées sont imprévisibles et, en retour, ce sont elles qui fabriquent ma pensée : je deviens alors aussi une création de mes textes.
Le hasard, le chaos, unique loi de cette écriture ? Mais si la mise en forme du livre, sa composition, est aussi de l'écriture ( et c'en est , à n'en pas douter) , alors la méthode, l'ordre, la logique en sont l'autre loi ! Philippe Jaffeux, plus bas, dit son admiration pour Bach. Or, il n'y a pas de compositions plus absolument méthodiques que celles de ce musicien .
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Je n’ai évidemment pas la prétention de faire quelque chose de nouveau mais j’essaye de porter un regard inédit sur des lettres antédiluviennes.
Eh bien si, il faut le reconnaître, c'est nouveau, résolument nouveau . Alphabet est un livre pour lequel il faut inventer une "lecture" (d'où les guillemets, dans mon introduction) inventer une lecture résolument nouvelle, une lecture sur mesures. Il se regarde, s'examine, se soupèse, se flaire, et peut même se lire. Mais se lire de plusieurs façons : une page par ci par là, ou en feuilletant, ou en ouvrant au hasard et en extrayant deux lignes, un peu comme le Yi King. Faire ça le matin, et on saura le temps qu'il va faire, ou de quelle humeur on sera, ou ce qui va nous arriver... La plupart des procédés divinatoires ont pour base le hasard.
à suivre
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Commentaires
Écrit par : ravel | 27 janvier 2015
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